Rencontre avec Pierre Yves Le Priol du journal « La Croix »

Publié le par La Documentaliste

Pierre-Yves Le Priol est secrétaire général de la rédaction et écrit presque dans chaque n° une chronique intitulée « Fidèle au poste » (c’est pourquoi il passe ses soirées à regarder différentes émissions de télévision, en particulier les émissions politiques…)

Exposé sur la situation de la presse écrite en France

39 000 journalistes alors qu’il n’y en avait que 15 000 il y a 20 ans

Y a-t-il donc trop d’informations ?

La presse écrite perdure , il y a en plus les gratuits et une augmentation des chaînes de radio et de TV.

En 2008 il y a eu 2000 nouveaux journalistes ( dont seulement un quart est passé par une école de journalisme.)

Comme  secrétaire général de la rédaction, P Y Le Priol  s’occupe entre autres du budget l, car un journal est aussi une réalité économique.

Pour devenir journaliste, il faut avant tout une bonne culture générale, mais surtout savoir où chercher l’info. Curiosité sur le monde, étonnement devant la vie.

Si la presse quotidienne est beaucoup moins florissante  en France qu’au Royaume Uni ou  en Europe du Nord, la France est le pays des magazines : c’est une spécificité française.

Parmi les quotidiens nationaux, 4 arrivent en tête , avec environ 350  000 exemplaires : Le Monde, l’Equipe  (dont le tirage est actuellement en augmentation - malgré  ou à cause de la crise ?), le Figaro, le Parisien. On trouve ensuite Libération, avec 150 000 ex., les Echos (120 000 ex. ), la Croix (« journal catholique d’information générale), enfin 2 quotidiens actuellement en difficulté : la Tribune ( y a t-il en France aujourd’hui la place pour un 2ème quotidien économique ?) et l’Humanité, qui, comme la Croix  manque de ressources publicitaires)

Libération est vendu essentiellement en kiosque, ce qui a des avantages, mais aussi des inconvénients (l’acte d’achat peut être remis en cause chaque matin). A l’opposé , la Croix a 95% d’abonnés, et 5 000 ex. vendus en kiosque , ce qui a aussi des inconvénients, car le marchand de journaux est tenté de le mettre dans un recoin…

Quotidiens nationaux et régionaux : en schématisant, on peut dire que les premiers offrent une vision du monde, et les seconds une information de proximité. Ne pas oublier que les régionaux sont nettement plus diffusés que les régionaux :  Ouest-France tire à 700 000 exemplaires ! C’est ce qu’on appelle la « loi de proximité » ou le principe du « mort au kilomètre »

Les « gratuits » ont fait beaucoup de mal à la presse payante. Le journal est un travail, et l’actualité est un flux continu. Il s’agit d’apprendre aux lecteurs à lire pour apprendre à vivre. L’essentiel, ce n’est pas d’enquêter, mais de hiérarchiser : discerner ce qui est important, ce qui engage l’avenir. Les « gratuits » sont composés de dépêches d’agence, accolées les unes aux autres. On a alors l’impression que tout se vaut ; il n’y a plus de hiérarchie. Par ailleurs ce travail de hiérarchisation mérite salaire, et d’autre part la distribution revient très cher.

Questions posées à PY Le Priol


1°  Quelles études pour être journaliste ?

3 ans d’études supérieures
-    la voie royale : passer par une école de journalisme (12 agrées par l’Etat , dont celle de Lille). Mais seuls 25%  des journalistes empruntent cette voie.
-    Sciences Po (Sciences Po Paris ou Sciences Po de province).
-    le Celsa (à la Sorbonne)
-    l’institut de journalisme de Tours ou de Lannion
-    une classe préparatoire littéraire, puis une année de fac de lettres, d’histoire, de géographie, de langues, ou bien encore 3 années de fac de sciences humaines.

C’est très sélectif. Mais on manque de journalistes scientifiques ou spécialistes d’économie (donc sortis par exemple d’une école de commerce)

2°  A-t-il travaillé pour un autre journal avant d’être à la « Croix » ?

D’abord journaliste pour un journal régional « Nord Eclair », ensuite  correspondant à Paris . Une fois à Paris il  a eu des contacts avec les journaux nationaux et a rejoint « La Croix »

3° Est-ce que tous les journalistes de « la Croix » sont chrétiens ?

Le journal à été fondé il y a plus de 100 ans par une congrégations religieuse, mais il n’a pas de lien institutionnel avec l’Eglise. A « la Croix » (mais pas chez Bayard, qui diffuse aussi des revues  destinées en partie aux jeunes comme « Phosphore » « Okapi » , « Je bouquine ») la plupart des journalistes sont chrétiens, mais on n’exige pas de certificat de baptême !

3° Quel est le positionnement de « la Croix »sur l’échiquier politique ?

La rédaction est « modérée », elle se méfie des extrêmes, de droite comme de gauche. Le journal est lu par un lectorat du centre (2/3 de centre droit, 1/3 de centre gauche).

4° Quelle concurrence entre la presse écrite et la TV ?


Le contenu d’un journal-papier correspond à lui seul à 4 ou 5 journaux télévisés !
La plupart des gens croient être au courant après avoir vu le journal télévisé… Ce sont deux techniques d’information différentes : la presse écrite apporte des regards transversaux, critiques.


5° Les journalistes de la presse écrite sont-ils souvent sollicités par les chaînes de TV ?

Ils le sont souvent en tant qu’experts (parce qu’ils ont des connaissances plus précises que  les journalistes de la TV ) Par ex. à propos de faits de société, ou encore, pour « la Croix », quand il est question de religion (peu de culture religieuse actuellement en France)

6° Comment remédier à la crise de la presse écrite ?

Plusieurs pistes :
    Problème de coût : 40% du prix d’un journal va aux NMPP qui se chargent de la distribution du journal. On pourrait envisager une rationalisation de la distribution, une mise en concurrence…

    Amélioration du contenu : donner aux lecteurs plus d’informations pratiques. Le journal doit les amener à réfléchir, mais aussi répondre à des demandes concrètes

7° Y a-t-il une disparité de revenus entre les journalistes de la presse écrite et de la télévision ?

On trouve toute la gamme de revenus, depuis le pigiste jusqu’aux « stars » des journaux télévisés !

8° Les journalistes et les pressions politiques.

Toujours libres de refuser les invitations d’hommes politiques. Sentiment d’indépendance exacerbé, même par rapport au rédacteur en chef. Le 1erconfort du journaliste : être libre par rapport à ce qu’il écrit.

9° Quelles sont les limites de la liberté de la presse ?

La diffamation.

On parle souvent d’un 4ème pouvoir ( après le pouvoir exécutif, législatif, judiciaire). On pourrait même dire que les médias sont devenus le 1er pouvoir ! Ils engagent en effet  l’opinion à penser telle ou telle chose. Mais il est important que leurs pouvoirs soient limités, par exemple par le respect de la vie privée.

10° Rôle du journalisme d’investigation ?
Seule une petite partie des journalistes font de l’investigation.  Par ailleurs ce travail doit être contrôlé.



Publié dans Notre Lycée

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